Élever des poules, même s’il n’y en a que deux, quand on n’a pas plus de 15 ou 20 mètres carrés à leur offrir, est-ce bien raisonnable ?
Certains revendeurs de volailles voire quelques éleveurs dans votre entourage vous diront que cela ne pose aucun problème. Mais qu’en est-il vraiment ?
Pour commencer
Faisons le point sur l’origine des sources qui vous encourage à avoir des poules dans votre jardin et passons pour cela une petite digression. Si vous voulez savoir si le boulanger du village fait du bon pain, la meilleure solution n’est sans doute pas de lui demander, mais plutôt de rechercher des témoignages plus « neutres ». La même prudence s’impose avec un vendeur de poules : ce n’est pas un éthologue, pas plus d’ailleurs que votre voisine qui élève des poules depuis un demi-siècle dans un cagibi amélioré. À leur décharge, on s’est par le passé très peu soucié, de la vie qu’on faisait mener aux animaux d’élevage. La norme est implicitement fournie par l’élevage de production, qui n'a pas vraiment d’intérêts à améliorer les conditions de vie des animaux. Et si les conditions d’élevage ont tendance à évoluer, c’est uniquement pour répondre à la demande des consommateurs, mieux informés et plus exigeants, mais pas aux besoins des animaux. La méthode pour approcher le bien-être animal en production professionnelle consiste à chercher des solutions innovantes pour le respect du bien-être des animaux d’élevage tout en préservant l’efficacité de production. Alors, bien sûr, les critères de bien-être qui en découlent restent prioritairement liés aux besoins de la production, même s’il s’en suit une amélioration sensible des conditions de vie des bêtes.
En élevage familial, les objectifs ne sont évidemment pas les mêmes : on ne cherche pas à produire, mais à être entouré d’animaux dont la présence est agréable, qui nous gratifient, qui plus est, de bons œufs frais. Nous devons chercher, à l’instar des éthologues, à mieux connaître ces animaux dont nous avons la charge et respecter leurs intérêts propres. Les animaux d’élevages ne sont plus des animaux sauvages, mais ils ont conservé un atavisme qui doit nous servir de référence pour mieux comprendre leurs besoins. Sans être des scientifiques, il nous appartient, à nous, éleveurs familiaux, de réfléchir aux conditions de vie des animaux avec lesquels on partage notre quotidien. Cela implique de leur offrir le meilleur environnement possible, en tenant compte de leurs besoins de base, sans tomber pour autant dans l’anthropomorphisme.
Alors, deux poules c’est possible… ou pas ?
Avant de vous procurer deux poules, comme pour tout animal domestique, posez-vous quelques questions… la première étant : de quoi ont-elles naturellement besoin ? La réponse est simple : de picorer et de gratter… sans arrêt. Cela implique qu’elles ont besoin d’espace : au moins 20 mètres carrés par poule, moins, ce n’est pas raisonnable ! 20 m², c’est une norme évidemment arbitraire, mais qui doit être considérée comme un minimum en élevage familial. Plus, c’est tellement mieux ! Le repère pour savoir si l’espace qui leur est accordé est suffisant, c’est l’état du terrain. Si on remarque trop les effets du grattage, c’est qu’il est trop petit. A fortiori, s’il est dénudé. Car, on ne le dira jamais assez, les poules mangent beaucoup d’herbe et en grattant le sol pour débusquer les vers et les larves d’insectes dont elles raffolent, elles ingèrent aussi de la terre (qui représente jusque 20 % de leur alimentation). Or, si on les cantonne sur une surface trop petite, le sol se gorge rapidement du fait des excréments qu’elles y déposent en abondance d’organismes pathogènes. À défaut que le recyclage des fientes se fasse naturellement (via les microorganismes du sol et les vers de terre qui œuvrent à la transformation de la matière organique), les volailles, en ingérant de la terre, consomment quantité d’agents pathogènes, dont certains sont sources de parasitage interne. En clair, faute de place, un cycle délétère s’installe au détriment de la santé des poules. La question de la surface à consacrer aux poules, même si elles ne sont que deux, est donc essentielle, car elle détermine la possibilité ou non de disposer d’un couvert végétal suffisamment riche et dense.
Par ailleurs, il faut savoir que la poule sauvage, l’ancêtre de nos volailles domestiques est un animal de lisière et de sous-bois. Comme elle, les poules que nous élevons ont besoin d’arbres, ou tout au moins d’arbustes, qui leur apportent de l’ombre en été et une protection contre les prédateurs volants (par exemple les rapaces), un aménagement que ne permet pas toujours un petit jardin.
En second lieu, une autre question s’impose : quel espace ais je à leur offrir pour le logement, en sachant qu’il faut la aussi compter 15 à 20 m² par poule et quel temps ais je à leur consacrer ? Ensuite seulement, vous déciderez si oui ou non votre envie de poules coïncide avec leurs exigences.
Ce discours vous paraîtra sans doute bien restrictif, mais avec tout ce que nous savons aujourd’hui, via les travaux des éthologues et des spécialistes de la médecine vétérinaire, il n’est décemment pas possible de faire l’impasse sur les besoins des poules. À défaut d’en tenir compte, on rencontre quantité de soucis, que ce soit du picage entre les bêtes, des maladies, un arrêt de la ponte…